La communauté scientifique travaillant sur les maladies neurodégératives est en effervescence : la maladie d’Alzheimer serait transmissible après une contamination inter-humaine ! Cela faisait plus d’une dizaine d’année que cette possibilité avait été envisagée, et ce, à la fois pour la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. En effet, ces maladies présentent de nombreux points communs avec une autre maladie neurodégénérative : la maladie de Creutzfeldt-Jakob, plus connue sous le nom de maladie à prion. Outre le fait d’attaquer les neurones du cerveau, ces trois maladies ont en commun d’appartenir à la classe des protéinopathies amyloïdes ou amyloïdoses. C’est-à-dire qu’elles résultent d’un repliement anormal d’une protéine conduisant à son accumulation sous forme de plaques amyloïdes (voir encadré & vidéo). Ce changement morphologique d’une seule protéine (mais différente suivant la maladie) a de grave répercussion pour les neurones qui entrent alors dans un cycle de mort cellulaire. Mais surtout, ces protéines dans leur conformation anormale toxique, sont capables, à elles seules, de forcer le changement de conformation de la forme normale de la protéine vers la forme anormale, et donc de se propager et disséminer la maladie à l’ensemble du tissu.

Dans le cas des maladies à prions, ces amas protéiques sont même contagieux ! C’est à dire qu’ils peuvent contaminer un homme sain après ingestion (comme ce fut le cas pour la maladie de la vache folle où le prion bovin s’est propagé au cerveau de patients qui ont développé le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob), ou après des actes médico-chirurgicaux (implant d’électrode, greffe de cornée ou de dure-mère, transfusion sanguine, hormone de croissance…).

Mais jusqu’en 2017, les preuves de transmission de la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer n’avaient été démontrées que sur des animaux de laboratoire et dans un contexte favorable à la propagation (animaux sensibles à la maladie, inoculation de fortes doses…). Mais très récemment, des rapports scientifiques sont venus renforcer la probablilité d’une transmission inter-humaine de la maladie d’Alzheimer. Depuis, ce n’est pas moins de 8 études indépendantes à travers le monde qui font état de cas de transmission iatrogène de la maladie d’Alzheimer chez des patients, provoquant chez ces derniers une Angiopathie Cérébrale Amyloïde près d’une décennie après leur exposition. Ces contaminations ont eu lieu après des injections de lots d’hormones de croissance contaminés 1–4, de greffes de dure mère 5, ou encore très probablement après des actes de neurochirurgie6.

L’alerte est donnée ! Les amyloïdoses, et non pas seulement les maladies à prion, peuvent présenter un risque iatrogène ! La question se pose maintenant de la gestion de ce risque pour protéger le patient et le personnel de santé.

Les amyloïdes également impliqués dans les maladies nosocomiales bactériennes

Les fibres amyloïdes présentent des caractéristiques mécaniques comparables à celle de l’acier ce qui confère à ces matériaux une robustesse parmi les plus importantes observées dans le monde vivant: il est donc impossible pour un organisme de s’en débarrasser. La grande résistance de ces fibres en fait des éléments propices pour la construction de structures solides tels que les biofilms. De plus, leurs propriétés biophysiques représentent un énorme avantage pour la bactérie en termes d’architecture du biofilm et de son adhésion (Fig.2). Ainsi, ces agents pathogènes tirent profit de la difficulté de nettoyer ces dépôts protéiques amyloïdes, c’est notamment le cas des bactéries pathogènes telles que Escherichia coli, Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa qui représentent à elles seules la majorité des infections nosocomiales (25% dans le cas de E. coli, 19% pour S. aureus et 10% pour P. aeruginosa). La matrice extracellulaire protectrice produite par ces organismes est composée majoritairement d’une architecture amyloïde qui leur confère une très grande résistance. Ainsi, en France, on estime à 5% la prévalence de patients hospitalisés ayant contracté une maladie nosocomiale. Les statistiques atteignent 23% dans les services de réanimation : ces chiffres résultent essentiellement de l’utilisation de cathéters et de sondes invasives. Les infections nosocomiales entraînent un surcoût financier important essentiellement dû à un allongement de la durée d’hospitalisation, soit un surcoût annuel de 2,4 à 6 milliards d’euros.

Bacterial contamination and biofilm formation on abiotic surfaces and strategies to overcome their persistence – Scientific Figure on ResearchGate [accessed 19 Sep, 2019]

Scientifiques et Industriels se mettent à pied d’œuvre pour proposer des procédures amyloïcides

Les mesures de prévention actuelles concernant les protéines infectieuses et les amyloïdes de manière générale ne prennent en compte que le risque prion. Mais compte tenu de la très forte prévalence des maladies neurodégénératives et de leur constante augmentation, il apparait urgent d’étendre la gestion de ce risque à toutes les amyloïdoses. Cette gestion du risque passe notamment par la décontamination et la stérilisation du matériel médical et donc le développement de procédés amyloïcides (voir encadré).

Mais le challenge est de taille ! En effet, pour être considéré amyloïcide, la formulation chimique ou le procédé physique doit répondre à différents critères du cahier des charges du secteur médical :

– Ce procédé doit, bien entendu, dénaturer, désagréger et décrocher, mais surtout inactiver tous les types d’assemblages protéiques à l’origine des amyloïdoses. Et la liste est longue : fibres, protofilaments, oligomères, monomères… ce sont autant de formes que peuvent adopter ces protéines pathogènes. Le problème, c’est qu’un changement de forme, ou de conformation, modifie la susceptibilité des protéines aux agents dénaturants. La protéine prion, à l’origine de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et de la vache folle, illustre parfaitement ce problème : sous sa forme naturelle ou dite « normale », la protéine est sensible aux enzymes et aux procédés de dégradation protéiques classiques (chaleur, dénaturants…) ; par contre, lorsqu’elle est sous la conformation pathogène prion, elle adopte tout un panel de conformations qui lui confèrent des propriétés physico-chimiques, et des capacités d’adaptation à son hôte hors normes. Parmi les changements biochimiques, le plus remarquable est sa résistance aux enzymes, mais également aux procédés de dénaturation classique comme la chaleur. Les prions sont des entités pathogènes particulièrement résistantes : ainsi, lorsque les fibres amyloïdes sont traitées avec un chaotrope, même à forte concentration (jusqu’à 6M d’urée), elles ne se dénaturent pas mais se dépolymérisent en sous-unités élémentaires qui conservent toutes les propriétés infectieuses une fois que la pression de dénaturation est levée. Ces sous-unités sont autant de vecteurs de la maladie libérés. Le procédé amyloïcide doit donc prendre en compte cette réalité. Une simple dépolymérisation des assemblages sans inactivation pourrait avoir un effet désastreux en libérant les sous-unités élémentaires et peut constituer un facteur favorisation sa dissémination7.

– Enfin, pour faciliter l’utilisation en milieu hospitalier, le procédé amyloïcide doit posséder un large spectre d’action et être efficace sur la majorité des amyloïdes, que ceux-ci proviennent d’amyloïdoses (Prion, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, ALS, diabètes…) ou de biofilms bactériens (Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa…). Ce sont donc autant d’assemblages protéiques différents aux propriétés physico-chimiques et aux résistances variés qui doivent être pris en compte.

Sources :

  1. Cali, I. et al. Iatrogenic Creutzfeldt-Jakob disease with Amyloid-β pathology: an international study. Acta Neuropathol. Commun. 6, 5 (2018).
  2. Duyckaerts, C. et al. Neuropathology of iatrogenic Creutzfeldt–Jakob disease and immunoassay of French cadaver-sourced growth hormone batches suggest possible transmission of tauopathy and long incubation periods for the transmission of Abeta pathology. Acta Neuropathol. 135, 201–212 (2018).
  3. Jaunmuktane, Z. et al. Evidence for human transmission of amyloid-β pathology and cerebral amyloid angiopathy. Nature 525, 247–50 (2015).
  4. Ritchie, D. L. et al. Amyloid-β accumulation in the CNS in human growth hormone recipients in the UK. Acta Neuropathol. (2017). doi:10.1007/s00401-017-1703-0
  5. Kovacs, G. G. et al. Dura mater is a potential source of Aβ seeds. Acta Neuropathol. 131, 911–923 (2016).
  6. Jaunmuktane, Z. et al. Evidence of amyloid-β cerebral amyloid angiopathy transmission through neurosurgery. Acta Neuropathol. 1–9 (2018). doi:10.1007/s00401-018-1822-2
  7. Igel-Egalon, A. et al. Reversible unfolding of infectious prion assemblies reveals the existence of an oligomeric elementary brick. PLOS Pathog. 13, e1006557 (2017).
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